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Défaillances: fin d'année meurtrière pour les TPME

19 janv. 2017 Inforisk

Les mois de novembre et décembre ont été particulièrement meurtriers pour les entreprises selon les données statistiques 2016 de la société de renseignement commercial Inforisk. Avec 1.168 liquidations judiciaires prononcées en décembre, les défaillances d’entreprises ont établi un nouveau record sur un mois après celui de novembre (818 disparitions).

Ces deux mois concentrent 29% des défauts en 2016. Le sinistre a touché 7.019 entreprises, en hausse de 21% sur un an, déjouant tous les pronostics.

La mortalité des entreprises touche en premier le commerce, l’immobilier et le BTP. Ce classement n’a pas changé. Ces trois secteurs ont alimenté 73% de la casse en 2016. Bien qu’il soit difficile d’établir les causes exactes des défaillances d’entreprises -le manque de données sur le comportement économique et la situation financière des entreprises devrait être en partie comblé par l’Observatoire de la TPME qui va livrer ses premiers diagnostics en 2019-, la mauvaise gestion ou encore l’allongement des délais de paiement sont des facteurs qui précipitent la disparition des entreprises.

La plupart des nouvelles entreprises démarrent avec un capital très faible ce qui les rend déjà vulnérables. La faible diversification du portefeuille client fait aussi qu’un certain nombre de sociétés sont exposées à la faillite d’un de leurs principaux donneurs d’ordre. C’est ce qui est arrivé à des entreprises qui gravitent autour de la Samir par exemple.  La détérioration des conditions de paiement a poussé beaucoup d’entreprises à fermer. Le choc sur le cycle de trésorerie est dévastateur, surtout pour les petites entreprises.

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Les disparitions d’entreprises marocaines évoluent à contre-courant de la tendance mondiale. En plus du ralentissement de l’activité économique, la faiblesse des capitaux propres au démarrage, le manque de diversification du portefeuille client ou encore les délais de paiement trop longs mettent les TPME sur le carreau

Le crédit interentreprises culmine à 385 milliards de DH et augmente de 24 milliards de DH en moyenne chaque année depuis 2011. L’Etat aussi participe aux difficultés des entreprises en payant très en retard. De nombreuses entreprises ne vivent que de la commande publique.La loi sur les délais de paiement est censée atténuer le fléau. Mais sur le terrain, il est difficile aux PME d’appliquer des pénalités de retard à leurs clients de peur de les perdre. «La loi sur les délais de paiement doit être conceptualisée avec une dynamique commerciale. Il faut de la flexibilité», constate un économiste. Le délai de paiement sert souvent d’argument commercial. Il reste qu’aujourd’hui, la pratique est poussée à l’extrême avec les TPME comme principales victimes.

Au-delà de la dégradation des délais de paiement, la morosité de la conjoncture et les mutations que connaît l’économie expliquent aussi pour une partie les dépôts de bilan. Les faillites ont augmenté de 18% par exemple dans l’hôtellerie et la restauration. Le changement des habitudes de consommation des touristes plonge certains établissements en difficulté. Il y a toujours des touristes au Maroc, mais ils n’empruntent plus les canaux historiques. Les recettes de voyage sont en hausse de 3,5% à 63 milliards de DH, mais elles n’irriguent plus comme jadis la circulation sanguine de l’hôtellerie. Pour les opérateurs, la compétition se joue désormais avec les particuliers aussi. Ils doivent également composer avec les géants du numérique tels que Airbnb et Booking.com. Le vieux modèle économique est révolu.

                                                                     

Dans le commerce, un an pour se faire payer!

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Amine Diouri: Responsable Etudes et Observatoire PME à Inforisk (Ph. L’Economiste)

- L’Economiste: D’où vient l’accélération des défaillances en novembre et décembre?- Amine Diouri: Traditionnellement, le dernier trimestre de l’année est celui où les défaillances d’entreprises sont fortes. Mais l’ampleur des défauts sur la période en 2016 était une surprise.Les raisons sont connues. La croissance économique sera  inférieure à 2% alors qu’il faut au moins 5% pour inverser la courbe des défaillances. Par ailleurs, les délais de paiement se sont encore allongés pour les TPME et atteignent en moyenne dix mois. Les retards de paiement sont un accélérateur de défaillances d’entreprises.- Dans quelles activités les difficultés se sont accrues?- Les activités liées au commerce souffrent le plus. Une étude d’Inforisk sur les délais de paiement dans ce secteur a montré que les TPE avaient souffert d’un allongement important des crédits clients à près de 11 mois. Les opérateurs dans le BTP ont souffert des mêmes maux en plus de l’intensité concurrentielle.

- La nouvelle mouture de la loi sur les délais de paiement peut-elle freiner cette hémorragie?- La première mouture datant de 2012 n’a rien changé à la situation. Au contraire, c’est l’inverse qui s’est produit avec une hausse des défaillances. La deuxième version ne devrait donner de premiers résultats qu’au 2e semestre dans le meilleur des cas, sachant que la partie régissant les entreprises publiques ne rentrera en vigueur qu’en janvier 2018. Les effets bénéfiques si effets il y a seraient attendus en 2018. D’ici là, il faut s’attendre à une progression des défaillances en 2017.

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