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Exclusif- Aide aux salariés: les entreprises devront prouver une chute sévère de leur chiffre d’affaires

8 avr. 2020 Le Desk

Selon nos informations, l’indemnité que l’Etat commencera à distribuer ce 8 avril aux salariés du secteur privé affiliés à la CNSS et en situation de perte d’emploi, devrait connaître un resserrement de critères d’éligibilité pour les entreprises.

Le Comité de veille économique (CVE) à travers son instance technique, envisage, selon nos sources, d’instaurer une mesure non prévue lors des tractations avec le patronat. Pour bénéficier du programme d’assistance, les entreprises devront justifier de la perte de 50 % de leur chiffre d’affaires mensuel.

Jusqu’ici, le nombre de sociétés concernées par l’aide a atteint 134 000 unités, soit 62 % des entreprises affiliées à la CNSS. Celui des salariés concernés, avoisine déjà les 810 000, dont 90 % sont bancarisés, soit 31 % des immatriculations à la Caisse. Ce chiffre, compte tenu de l’ampleur de la crise, pourrait bondir à 1,5 millions de personnes à fin avril, selon diverses estimations concordantes. Nombre d’entreprises sont d’ailleurs toujours en phase d’évaluation de l’impact de la crise sur leur activité et donc sur leurs charges salariales.

Le critère de la variation mensuelle du chiffre d’affaires envisagé par le CVE est très mal reçu par le patronat qui l’estime inapproprié pour mesurer le degré de difficulté des entreprises, et ce faisant la situation de leurs salariés et employés sous contrat insertion qui sont en arrêt provisoire de travail. Il ne prend en effet pas en compte les amplitudes saisonnières ou encore les particularités sectorielles, pour ne souligner que ces exemples. L’approche est donc contestée, d’autant qu’elle devrait être annoncée à postériori de son application, assure-t-on.

Cette mesure s’ajouterait aussi à la réticence des banques à répondre aux requêtes de report d’échéances de crédit, alors que la Confédération des entreprises (CGEM) se montre particulièrement discrète depuis le clash épistolaire entre son président, Chakib Alj, et les deux têtes d’affiches du Groupement des banques (GPBM), Othman Benjelloun (BOA) et Mohamed El Kettani (Attijariwafa bank).

La suspension des engagements de dépenses publiques, malgré le retrait de cette disposition du décret-loi adopté uniquement pour le déplafonnement de la dette extérieure au-delà des 31 milliards de dirhams, ne change pas la donne sur le fond.

Ce 7 avril, lors de son grand oral devant les présidents de groupes parlementaires siégeant à la commission des finances, Mohamed Benchaâboun a expliqué que les emprunts envisagés en devises n’iront pas vers l’endettement mais vers la balance de paiements.

Il a dans ce sens évoqué des tirages sur la ligne de précaution et de liquidité (LPL) d’environ 3 milliards de dollars souscrite auprès du FMI, ainsi que celle de 275 millions de dollars mise à disposition par le Fonds de solidarité contre les évènements catastrophiques de la Banque Mondiale en cas de choc externe.

Mais, malgré ces gages de stabilité, le ministre s’est surtout expliqué en creux sur le retrait, pour le moins furtif, du volet relatif au resserrement des finances publiques qui inquiétait au plus haut point le monde de l’entreprise.

Benchaâboun a, sans en expliquer les raisons, réfuté toute rétractation, arguant que la rationalisation des dépenses publiques est toujours inscrite dans la politique menée par son gouvernement dans le contexte difficile de la crise du Covid-19.

Il a tout juste concédé que les modalités de ces mesures d’orthodoxie financière devaient se faire en amont « en concertation avec les différents secteurs économiques et selon les priorités nationales », à savoir l’effort d’urgence à consentir notamment à la Santé et aux secteurs sociaux durement touchés par la crise.

En clair, même avec la disparition de la mesure de l’ordre du jour gouvernemental, l’austérité, et donc son corollaire immédiat pour les entreprises, principalement la chute des commandes publiques, sont toujours d’actualité. Deux partis politiques, le PPS et l’Istiqlal ont d’ailleurs souligné que les options prises par le CVE devaient, d’une part être soumises à l’examen du parlement, et d’autre part, être caractérisées par un maximum de transparence.

Au niveau du patronat, selon nos sources, Abdelilah Hifdi et son groupe parlementaire, sont désormais en première ligne pour monter au front. Ils savent que les aides globales aux ménages (Opération Moussanada et indemnités pour les salariés affiliés à la CNSS), vont engloutir une part appréciable du Fonds spécial : potentiellement 15 à 20 milliards dirhams –  selon le scénario probable d’un dé-confinement tardif de la population-, sur les 38 milliards de dirhams décomptés à ce jour . Ils redoutent donc que Benchaâboun, à travers le CVE, où siège notamment Fouzi Lakjaâ aux manettes du budget, cherche ardemment à juguler l’hémorragie par des coupes à la serpe dans les mesures de sauvetage aux entreprises, d’autant que la CGEM n’a pour l’instant obtenu que des miettes de la part de l’Etat.

Interrogé par Le Desk, le directeur général de la CNSS, Abdellatif Mortaki est demeuré évasif sur la question, nous renvoyant vers le CVE. « Pour le moment, les termes de la convention avec les Finances n’ont pas changé », a-t-il déclaré, insistant pour dire que la CNSS n’y joue qu’un rôle exécutif et non décisionnaire. Il a cependant indiqué que le principe déclaratif du système mis en place jusqu’ici, autorise tous les dépassements, faisant allusion aux entreprises tentées de requérir l’aide pour leurs salariés sans être éprouvées par des besoins impérieux. Abondant dans ce sens, une source proche des Finances évoque par ailleurs l’éventualité de « descendre en granularité pour cibler au mieux les postes en chômage technique, indépendamment du reste de l’entreprise ». Preuve que la réflexion est sur la table et que rien n’est à ce jour gravé dans le marbre.

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