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FINANCE NEWS: Interview de Amine Diouri

3 sept. 2018 Inforisk
«Quand on parle des délais de paiement, il est important de garder à l’esprit que le crédit interentreprises avec l’Etat tourne autour de 50 Mds de DH. Tandis que le crédit interentreprises privé représente la bagatelle de 390 Mds de DH. Ces chiffres traduisent un déséquilibre flagrant. Même si l’on a tendance à croire, à juste titre parfois, que le secteur public est à l’origine de l’allongement des délais de paiement, car l’Etat a une part de responsabilité, force est de constater que la problématique majeure provient de la relation privé-privé. Les grandes entreprises représentent une bonne partie du montant du crédit interentreprises privé qui poursuit sa tendance haussière depuis plusieurs années maintenant.Il faut savoir que le rapport de force est au cœur de la problématique des délais de paiement au Maroc. Le constat est que ce rapport de force est défavorable aux PME et TPE. Par exemple, une petite entreprise qui collabore avec une multinationale n’a pas la possibilité d’influer sur le fait d’être payée au bout de 60 ou 90 jours. Généralement, ce sont les grandes entreprises qui imposent leurs conditions à prendre ou à laisser, avec la fixation de la marge de la petite entreprise et l’échéance du paiement pouvant intervenir par exemple au bout de six mois après l’émission de la facture. Les petites entreprises n’ont pas le choix car elles ont souvent un, deux, voire trois gros clients au maximum. En conséquence, le choix d’accepter les conditions désavantageuses fixées par les grandes entreprises est vite fait par celles de petite taille.Pour remédier à cette situation malsaine en France, l’Etat a créé une entité autonome dénommée Direction de la concurrence et de la répression des fraudes, qui est rattachée au ministère de l’Economie. Cet organisme public est chargé de contrôler les délais fournisseurs des grandes entreprises. Il a également le pouvoir d’infliger des sanctions aux mauvais payeurs, qui peuvent aller jusqu’à 2 millions d’euros pour les entreprises qui ne respectent pas la loi.Pour juguler le fléau de l’allongement des délais de paiement au Maroc dont les grandes entreprises ont une grande part de responsabilité, il est indispensable de veiller à l’application de la loi 45-15 modifiant et complétant la loi n° 15-95 formant Code de commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement. Certains arrêtés d’application n’ont pas encore vu le jour. Jusque-là, le flou plane sur les taux de pénalité à appliquer aux mauvais payeurs. A cela s’ajoutent certains délais de paiement dérogatoires pour des secteurs en difficulté et les branches d’activité dont les process de production sont différents, c’est-à-dire plus longs. La répression et la sanction peuvent constituer une partie de la solution de la problématique au Maroc. Ce qui passe, à l’instar de l’Hexagone, par la création d’une instance indépendante chargée du contrôle.Les Français sont allés plus loin. Le ministère de l’Economie affiche sur son site Internet le nom des entreprises ayant fait l’objet de sanctions. Ce qui constitue une communication peu valorisante pour les grandes entreprises, notamment en termes d’image, puisqu’elles sont assimilées aux mauvais payeurs. La prévention et la répression permettront également de juguler le fléau.Les grandes entreprises doivent être sensibilisées à l’idée qu’il est dans l’intérêt de tout le monde que les délais légaux de paiement soient respectés au Maroc et que la construction d’un écosystème entrepreneurial fort est important pour le dynamisme de l’économie nationale». ■
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