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Le vrai défi est de définir le seuil approprié du Smig

16 déc. 2019 L'Economiste

- L’Economiste: En vingt ans, le Smig a été revalorisé à dix reprises. Quels sont les effets réels de ces hausses sur les salaires, l’emploi, la consommation?

- Aya Achour et Omar Chafik: Les résultats de nos estimations concluent qu’une hausse du Smig nominal de 5% entraînerait une augmentation cumulée de 1,24 % du salaire réel non agricole au bout de cinq trimestres et une hausse du chômage national de moins de 0,1 point de pourcentage. La simulation de ces effets à partir du modèle structurel utilisé dans le cadre de notre travail révèlerait une hausse d’environ 0,2% de la consommation privée, une année après l’entrée en vigueur de la décision de revalorisation, et ce, dans le sillage de l’amélioration des revenus des ménages.

- Les hausses du salaire minimum ne sont pas toujours assorties de l’amélioration de la productivité. En quoi cela peut-il grever la compétitivité des entreprises?

- Dans le cas de figure du Maroc, la hausse du salaire minimum s’accompagnerait d’une amélioration de la productivité des employés de 0,85% en une année, traduisant à la fois un phénomène de sélectivité de la part des entreprises et un souci de limitation des pertes d’emploi par les employés. Toutefois, le modèle utilisé dans le cadre de notre travail révèle un ajustement partiel de la productivité, qui ne parvient pas à neutraliser complètement les effets de hausse des salaires. En termes d’implications économiques, ce renchérissement des coûts salariaux qui n’est pas résorbé par les gains de productivité des travailleurs affecterait négativement la compétitivité des entreprises. En effet, il apparaît que leur appétit pour l’investissement reculerait d’environ 0,2%, suite à la hausse de 5% du Smig.

- Le salaire minimum est-il encore pertinent aujourd’hui au regard de la recomposition de la structure du PIB?

- Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons examiné les pratiques d’un large nombre de pays développés et en développement en matière de salaire minimum (100 pays parmi les 185 membres de l’OIT).

Abstraction faite de la structure de l’économie, l’introduction du salaire minimum constitue une pierre angulaire des efforts consentis par les Etats en vue de remédier aux différentes frictions sur le marché du travail. Cette décision pourrait se révéler également pertinente pour améliorer le pouvoir d’achat, aider à l’éradication de la pauvreté et veiller à l’insertion dans le marché du travail des segments de la population les plus marginalisés. Le vrai défi pour le décideur est de définir le seuil approprié de ce niveau de rémunération minimum.

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