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Les cessions d'entreprises en hausse de 20% au 1er semestre

28 août 2017 Inforisk
Selon les données exclusives d’Inforisk, 4 500 cessions de parts sociales et d’actions et 378 cessions de fonds de commerce ont été enregistrées à fin juin. Les transactions sont de plus en plus motivées par la morosité de la conjoncture économique. Les entreprises familiales moins réticentes à ouvrir leur capital.

Serait-ce un autre signe de la morosité de la conjoncture économique ? De plus en plus d’opérateurs quittent le milieu des affaires ou changent de cap. C’est en tout cas ce que laisse présumer la multiplication des cessions d’entreprises sur le marché. Selon les chiffres d’Inforisk, préparés en exclusivité pour La Vie éco, 4500 cessions de parts sociales et d’actions et 378 cessions de fonds de commerce ont été enregistrées au cours du premier semestre, soit 4878 opérations au total. En juin 2016, on en était à environ 4 000 opérations (faisant l’objet d’une publicité légale et tracées sur les modèles J), soit une hausse de 20% en une année.

Ces données du spécialiste du renseignement commercial sont confortées par ce que rapportent des responsables de cabinets spécialisés dans la cession et la transmission, des banquiers d’affaires et des conseillers juridiques et fiscaux. «Nous remarquons une hausse significative des transactions au cours des trois dernières années», confie un gérant de cabinet spécialisé. Un membre de l’équipe de gestion d’un fonds d’investissement généraliste confirme que l’offre d’entités cédables et transmissibles est plus abondante et les chances d’aboutissement des deal largement plus importantes qu’il y a quelques années. Il explique cela par le fait que les opérations sont de plus en plus préparées et les parties mieux informées et averties. Sur son site institutionnel, le cabinet Astoria Maroc (antenne d’Actoria international, spécialiste de la transmission de PME présent dans plus de dix pays) affirme traiter plus de 500 dossiers par an. «De plus en plus de structures, notamment des PME, sont concernées par la cession en raison des mutations de l’environnement économique et de la culture entrepreneuriale», soutient une source à la CGEM. PME opérant dans le secteur industriel, fonds de commerce, licences de vente de produits spécifiques, magasins, écoles, maisons d’hôtes, restaurants, sociétés de conseil et/ou de services, exploitations minières, tous les profils d’entreprises sont concernés dans tous les secteurs d’activités.

Toutefois, un cadre chez une banque d’affaires tempère le propos. «Bien qu’il soit plus dynamique sur les dernières années, le marché des cessions d’entreprises reste un marché de niche où il n’est pas toujours aisé de faire coïncider offre et demande», relève-t-il avant d’ajouter que l’on est loin des 45 000 entreprises qui changent de main chaque année en France ou des 30000 affaires reprises en Allemagne.

Les sites web de cession d’entreprises se multiplient

Un autre fait qui illustre néanmoins le développement progressif de ce marché au Maroc est la multiplication des sites de cession d’entreprises (entrepriseenligne.com, cessionpme.com ou fusacquis.com…). Ces portails nationaux et étrangers (mettant en ligne des affaires localisées au Maroc qui peuvent intéresser les repreneurs étrangers) ont fleuri sur la toile durant les dernières années et présentent des annuaires de plus en plus garnis d’entreprises à céder avec des fiches signalétiques très détaillées et parfois même le prix indicatif de cession.

Une étude du cabinet BDO (bien que menée sur un échantillon réduit) publiée au début de l’année confirme la dynamique rapportée. A l’en croire, 35% des dirigeants ont déjà réfléchi à céder ou sont en train de céder leur entreprise, tandis que 25% ont racheté leur structure à un tiers ou à un membre de la famille. Plus parlant encore, l’étude conclut que 60% des dirigeants sont ouverts à la cession et la transmission contre 46% il y a 5 ans. L’entreprise familiale semble intégrer davantage le concept de transmission et de cession dans ses options stratégiques. «Il s’agit de plus en plus d’une nécessité pour les cédants des entreprises familiales. Pour les repreneurs, elle reste une question d’opportunité», explique-t-on auprès du cabinet.

Qu’est-ce qui pousse alors les cédants à se retirer du monde des affaires ou à changer de cap aujourd’hui ?

Selon les spécialistes, les raisons incitant les dirigeants d’entreprises à vouloir céder leur entreprise sont diverses. Il existe des raisons liées au secteur d’activité (conjoncture économique, reconversion dans un autre secteur…), le besoin de constituer un patrimoine financier (opportunité de réaliser un bon deal), des facteurs liés à l’entreprise (faire face à des difficultés, opportunités de capitalisation, de développement, pérenniser l’activité) et des considérations personnelles (départ à la retraite, santé).

Selon les conclusions de l’étude BDO, par rapport à il y a 5 ans, les patrons sont plus nombreux à évoquer les facteurs liés au secteur d’activité (50% contre 28%), la recherche d’un deal financier (35% contre 15%) ou des raisons liées à la pérennisation de l’entreprise (27% contre 15%). Par contre, les considérations personnelles sont deux fois moins invoquées (27% contre 55%). Clairement, la conjoncture économique l’emporte de plus en plus sur les considérations personnelles des propriétaires.

Un responsable de la cellule financements structurés d’une grande banque ajoute, en substance, que le changement de déterminants culturels et des valeurs sociales fait en sorte que les propriétaires d’affaires familiales appréhendent avec moins de gêne de recevoir des étrangers dans le tour de table ou de passer carrément sous une autre main. D’autant plus que la relève n’est pas assurée dans bien des cas. Les enfants et proches d’industriels et de commerçants nourrissent leurs propres ambitions ou ne sont tout simplement pas outillés pour piloter l’entreprise. A ce titre, «la transmission aux salariés dirigeants est de plus en plus courante», constate le banquier.

La charge fiscale préoccupe les cédants

Cependant, les experts notent que les offres de rachat n’aboutissent pas tout le temps. En raison souvent de facteurs objectifs (mauvaise estimation de la valeur de l’entreprise et insuffisance de la préparation à la transmission), mais aussi parfois affectifs (attachement à l’entreprise). «Par exemple, dans plusieurs opérations que nous avons pilotées récemment, le propriétaire de l’affaire surestime ou sous-estime la valeur de son entreprise et par conséquent n’arrive pas à un terrain d’entente avec le repreneur», souligne un tax partner chez un cabinet spécialisé.

Quoi qu’il en soit, si la conjoncture semble forcer la main aux propriétaires pour céder intégralement le business, d’autres plus persévérants et attachés à leurs affaires familiales en cèdent une partie minoritaire dans le but de lever des fonds pour financer la croissance. Selon le département Origination (création et émission de produits de dettes ou d’actions et conseil du choix d’instruments financiers) d’une grande banque d’affaires de la place, ce marché est d’habitude plus actif et ses opérations portent sur des dizaines de millions de DH par an.

Ceci dit, s’il est un souci qui préoccupe au plus haut degré les cédants, c’est celui de l’optimisation de la charge fiscale de ces opérations. Sur le marché, certains cabinets de conseil juridique se spécialisent dans les montages défiscalisants qui permettent de gérer au mieux la facture fiscale à l’issue de la cession. Si ces montages sont réalisés à l’approche de la date de cession (des semaines ou quelques mois avant la transmission effective), l’Administration fiscale peut sévir pour «abus de droit». Il faudra dès lors préparer bien à l’avance l’opération de cession. D’où l’importance de se faire conseiller par des experts. L’offre actuelle sur le marché propose au choix une assistance complète (intégralité de l’opération de cession) ou «à la carte» (assistance sur certaines étapes de l’opération telle que l’évaluation ou la contractualisation) dans le cadre d’un cahier des charges rigoureux. Le cabinet peut accompagner et représenter son mandataire dans toutes les étapes de l’opération (évaluation, recherche de repreneurs, négociations, contractualisation).

Les experts s’accordent sur le fait que les honoraires à acquitter par le cédant pour bénéficier des services d’un cabinet de conseil sont justifiés puisqu’il est assuré de réaliser sa transaction au bon prix et avec toutes les garanties contractuelles pour préserver ses intérêts. Selon le management du cabinet international Actoria, les honoraires d’intermédiation sont souvent un tabou. L’opacité provient de l’absence de barème officiel, le caractère libéral de l’activité s’y opposant, et d’une certaine réticence des consultants à communiquer sur leurs honoraires. Cette absence de transparence est source de malentendus. En effet, le client, faute de disposer des éléments de facturation, juge souvent les honoraires du cabinet élevés, voire prohibitifs. Pour éclairer cette zone d’ombre, en gros, deux modes de facturation existent, en l’occurrence la facturation au résultat et la facturation suivant le cahier des charges. Le premier, permettant au client d’assigner un objectif simple et précis au cabinet, est retenu dans des opérations simples de remise d’entreprises, notamment lors de départs à la retraite. Le principe de cette facturation est de déterminer un montant d’honoraires forfaitaire pour toute l’opération. Ces honoraires de résultats sont déterminés sur la base du prix de cession de l’actif et selon un pourcentage dégressif. Plus souple, le système de facturation sur cahier des charges calcule les honoraires sur la base de résultats successifs suivant un cahier des charges préalablement mis en place. Le cabinet s’engage à obtenir un résultat sur chaque étape du cahier des charges et non uniquement sur le résultat final. Ces honoraires sont généralement inférieurs de moitié aux honoraires de résultat.
En savoir plus sur http://lavieeco.com/news/economie/les-cessions-dentreprises-en-hausse-de-20-au-premier-semestre.html#5bAW0OelJX9Jt0tV.99
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