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PLF2019, comment les analystes qualifient les propositions

25 oct. 2018 Inforisk
La CGEM se montre plutôt consensuelle, satisfaite des engagements de l'Exécutif dans l'attente de réformes prévues à court et à moyen terme. L'opposition, face à un PLF qui décline les orientations royales, se montre pour l'instant moins virulente que par le passé. Les analystes sont pour leur part mitigés et n'hésitent pas à qualifier le PLF de "minimaliste, apportant des réponses provisoires".Après son dépôt au Parlement vendredi 19 octobre et sa présentation aux députés et conseillers le 22, le projet de loi de finances 2019 a été présenté à la presse le 23 octobre, puis à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), le lendemain.Au Parlement, les débats sur le PLF ont démarré. Ce jeudi 25 octobre, il est en discussion au sein de la Commission des finances de la première Chambre. Vendredi 26, démarreront les travaux des commissions thématiques pour la validation des budgets sectoriels. Le texte suivra le processus d’adoption au cours des mois de novembre et décembre, avec des possibilités d’amendements de la part des députés et des conseillers. Un contexte d'élaboration difficileLe contexte d’élaboration de ce PLF a été difficile. D’un côté, il y avait la nécessité de préserver les équilibres budgétaires dans un contexte de tassement des recettes et d’augmentation des dépenses. D’où un déficit budgétaire qui dérape à 3,7% du PIB, hors privatisations.De l’autre, il y avait nécessité d’apporter des réponses aux demandes sociales des populations et celles, économiques, des entreprises.Finalement, un compromis a été trouvé. Les programmes sociaux ont été renforcés. Pour atténuer l’impact de l’augmentation des dépenses, des privatisations sont prévues: 5 à 6 MMDH pour ramener le déficit prévisionnel à 3,3% ou 3,2% du PIB.Pour les entreprises, une réduction de l’IS au profit des TPME (de 20% à 17,5%) a été accordée, en plus de quelques dispositions de simplification. D’autres mesures leur ont été accordées en dehors du PLF (délais de paiement, crédit TVA…). Mais un effort leur a été demandé pour contribuer au financement du budget 2019 qui se veut à vocation sociale : contribution de solidarité pour les grandes entreprises, cotisation minimale…Maintenant que tous les contours du PLF 2019 sont connus et présentés aux différentes parties prenantes, quelles sont les réactions ? L'opposition moins virulente, pour l'instantDe prime abord, on peut dire que ce PLF n’a pas été accueilli comme les précédents. Hormis des acteurs comme les TPE et des analystes qui se montrent un peu critiques, il y a une sorte de consensus, d’acceptation des contraintes de l’Etat et des efforts qu’il a pu faire, ainsi qu’une attente de réformes de fond lors de prochaines échéances.D’abord les partis politiques. Bien entendu, ceux de la majorité gouvernementale ont salué les mesures sociales, la portée optimiste du projet et son caractère opérationnel. Mais ceux de l’opposition se sont contentés de souligner la mobilisation des ressources par l’impôt et la réallocation de certains budgets pour financer les programmes sociaux, et attendent de voir dans quelle mesure le gouvernement honorera ses engagements.Une première réaction dénuée de la virulence habituelle de l’opposition, sans doute, selon un économiste qui requiert l’anonymat, parce que les dispositions du PLF 2019 déclinent les orientations royales énoncées dans les derniers discours du Roi. Mais il faut attendre les débats publics au Parlement pour s'en assurer. Le patronat plus consensuelEnsuite le patronat. A l’issue de la réunion de Mohamed Benchaâboun avec le bureau de la CGEM mercredi 24 octobre, Médias24 a fait réagir Salaheddine Mezouar, président de la confédération, Ahmed Rahhou, vice-président, et Mohamed Hdid, président de la commission fiscalité.Ce qui se dégage de leurs réponses est que le patronat est conscient des contraintes d’élaboration du PLF 2019, salue les mesures en faveur des entreprises et accepte l’effort demandé, se montre satisfait des engagements du gouvernement pour résoudre les problématiques urgentes relatives aux liquidités, et repousse le traitement de ses demandes de fond à d’autres échéances : assises de la fiscalité, charte de l’investissement, nouveau modèle de développement…«Face à nos doléances, Mohamed Benchaâboun nous a expliqué que la priorité a été donnée à la résolution des problèmes de liquidité: remboursement des arriérés de TVA, engagement de payer dans les délais les nouveaux crédits de TVA et réduction des délais de paiement public-privé.«Le ministre a également annoncé l'organisation en 2019 de nouvelles assises de la fiscalité qui nous permettront de profiter de toutes les remontées des membres de la CGEM pour procéder à une relecture de notre fiscalité dans le sens d’une plus grande cohérence, lisibilité et d’efficacité.«Nous sommes preneurs de cette démarche. Nous espérons que ce chantier aboutira pour l’encouragement de l’investissement et la création d’emplois. Nous nous donnons RDV lors de ces assises pour formuler toutes nos recommandations», nous a déclaré Ahmed Rahhou.En ce qui concerne l’absence dans le PLF de mesures fiscales d’encouragement de l’investissement et soutien aux PME, il répond : «Je pense qu’il faut abandonner cette logique d’empilement des mesures qui conduit à une perte de cohérence.«Nous sommes convaincus qu’au lieu d’empiler les mesures il faut agir sur l’ensemble. Aujourd’hui, il y a des économies nouvelles, davantage d’exportateurs, des besoins d’intégration régionale… Il est grand temps de remettre à plat toute notre fiscalité. Nous acceptons le fait que toutes les mesures que nous proposons et qui n’ont pas été prises en compte aujourd’hui le soient au moment des assises.«Nous espérons que cela débouche même sur une loi de programmation fiscale qui donne de la visibilité aux opérateurs sur plusieurs années».Mohamed Hdid ajoute que pour ce qui concerne l’encouragement de l’investissement, c’est la charte de l'investissement, actuellement en cours de finalisation, qui devrait apporter des réponses, en plus des assises nationales de la fiscalités qui devraient avoir lieu en mai 2019.Pour le PLF 2019 dans sa globalité, M. Hdid affirme qu’il est «conforme à ce qui était attendu. Le ministre a expliqué le contexte de son élaboration et les contraintes qu’il a dû gérer (social, fonds à mobiliser…). Personne ne souhaite voir les impôts augmenter. Mais il faut gérer avec les contraintes du moment».Quant à Salaheddine Mezouar, il qualifie la réunion du 24 octobre de «positive» compte du climat qui a régné. «Il y a eu un travail en amont, structuré, méthodique. Conséquences, les orientations du PLF sont conformes au plan d'action de la CGEM: traiter les urgences d’abord, puis les questions de fond dans un second temps ».Les urgences en cours de traitement sont:- Le remboursement du crédit TVA et la réduction des délais de paiement.- Le renforcement de la lutte contre les importations frauduleuses pour redynamiser la production nationale.- La simplification des procédures aux entreprises: le texte est prêt, il sera voté lors de cette session parlementaire et entrera en vigueur en 2019.- La Charte de l’investissement: elle est en phase de finalisation- L’emploi: des mesures concrètes ont été prévues.Le patron des patrons se montre satisfait de la mise en œuvre de cette première phase «urgente» et se félicite des synergies patronat-gouvernement.Reste maintenant la 2ème phase, celle des questions de fond, sur le déploiement de laquelle le patronat fonde beaucoup d’espoir :- Le nouveau modèle de développement: ses contours devraient être connus dans les 2 à 3 prochains mois, avec un début de mise en œuvre de ses mesures.- La réforme de la fiscalité: «Nous nous sommes mis d’accord pour ne pas continuer à superposer les mesures. Il faut attaquer de front le système fiscal et remettre à plat ses dispositions pour avoir de la visibilité sur 10 à 15 ans. L’objectif est d’aboutir à un nouveau dispositif fiscal qui puisse accompagner le nouveau modèle de développement».Salaheddine Mezouar qualifie cette démarche de méthodique. «Le PLF 2019 a eu à gérer des équations, nous comprenons les difficultés du moment. On peut lui reprocher ce qu’on veut, il a permis quand même de préserver les équilibres, de répondre à des demandes sociales et à quelques demandes économiques. C’est une bonne base pour réenclencher la machine et se projeter dans l’avenir. L’Etat d’esprit général est positif, il faut concrétiser cela par des actions». Les analystes plutôt mitigésLes analystes et observateurs interrogés sont moins consensuels que le patronat.El Mehdi Fakir, expert-comptable et économiste, reconnaît que ce PLF 2019 se veut volontariste et social. «Sauf que le poids et le spectre des contraintes sont là. Le gouvernement agit avec les moyens financiers dont il dispose. Donc on ne peut s’attendre à des réponses aux grandes problématiques», nuance-t-il.Pour lui, les vrais problèmes, les vrais sujets auraient été différés. C’est comme s’il s’agit d’un PLF transitoire. «C’est vrai qu’il donne un peu plus au social mais n’apporte pas des solutions aux problématiques sociales. C’est une réallocation budgétaire corsée dans la limite de ce qui est permis. C’est un traitement sur le plan comptable pour que le gouvernement puisse proposer quelque chose», ajoute M. Fakir.«Nous n’avons pas encore dessiné notre nouveau modèle de développement. Sur le plan fiscal, les mesures sont limitées dans l’attente d’un consensus national (prochaines assises de la fiscalité). Les problématiques de l’emploi n’ont également pas eu de réponses dans l’attente de la prochaine rencontre nationale sur l’emploi.«C’est donc comme si le gouvernement attend d’être un peu plus à l’aise pour pouvoir faire entamer les grandes réformes», conclut El Mehdi FakirDe son côté, Amine Diouri, responsable études PME chez Inforisk, a un avis mitigé sur le PLF 2019.«D’un côté, l’Etat s’engage à faire des efforts en matières de remboursement des crédits TVA et de réduction des délais de paiement des entreprises publiques. Il propose aussi de réduire l’IS à 17,5% pour les entreprises réalisant un bénéfice fiscal entre 300.000 DH et 1 MDH. C’est une bonne chose mais pour 12.000 entreprises seulement.«De l’autre, la cotisation minimale sera augmentée de 50% (de 0,5% à 0,75%) et la contribution de solidarité a été réinstaurée pour les grandes entreprises. Je comprends l’argument de vouloir faire payer les 40.000 entreprises qui déclarent un déficit chronique. Je comprends aussi que les différentes mesures doivent être financées. Mais finalement on donne avec une main ce que l’on reprend de l’autre», estime M. Diouri.Il ajoute qu’il y a de grands absents dans ce PLF.Les délais de paiement entre entreprises privées. «La loi 49-15 existe mais ses textes d’application sont toujours en attente. Dans le PLF 2019, il n’y a pas de carotte fiscale ou de malus qui pousseraient les entreprises à respecter les délais. Il faut rappeler que la problématique des délais de paiement public c’est environ 50 MMDH, alors que celle du secteur privé dépasse 300 MMDH».- L’investissement. «On voit aujourd’hui que l’investissement privé est en panne, notamment en matière de recherche et développement. Or il n’y a pas dans le PLF 2019 de carotte fiscale comme le crédit d’impôt ou les provisions pour encourager l’investissement.Au final, il estime que le PLF 2019 apporte le strict minimum. «On reste donc dans l’attente des grandes réformes», conclut-il.
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