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Recettes fiscales: Le Maroc peut mieux faire

14 janv. 2021 L'Observateur du Maroc

Sans une réforme fiscale, le Maroc subit un gros manque à gagner. Et c’est un avis d’expert, Bank Al Maghrib qui prône une évaluation des forces et faiblesses du système.

Depuis les années 1980, le Maroc a entrepris diverses réformes pour moderniser son système fiscal et son administration fiscale. En 2019, le royaume a mobilisé près de 238,2 milliards de dirhams de recettes fiscales, soit 20,7% du PIB. Celles-ci constituent sa principale source de financement et couvre environ 74,5% du budget général de l’État.

En comparaison aux pays en développement, la part moyenne des recettes fiscales se situe entre 10% et 20% du PIB, ce qui est bien plus faible comparée aux pays développés où celle-ci représente entre 25% et 50% du PIB.

Comment expliquer alors ces différences de ratios entre les pays en développement et les pays avancés ?

Ces différences renvoient au large manque à gagner fiscal qui est dû, entre autres, à un système fiscal inefficient, une assiette fiscale étroite en raison de la prévalence de l’évasion et de l’évitement fiscaux, et à la faible performance de l’administration fiscale dans le recouvrement des recettes et le respect des obligations fiscales.

Sur la base d’un panel de soixante-seize pays en développement, dont le Maroc, l’analyse comparative de Bank Al Maghrib a permis de mesurer l’espace budgétaire dont le Maroc dispose pour pallier à son manque à gagner fiscal. L’étude analytique s’étale sur la période de 1980 à 2017, et se base sur la dernière génération des modèles de frontières stochastiques proposée par Kumbhakar et al. (2014).

Les résultats démontrent que le niveau des recettes fiscales au Maroc est relativement bas, en comparaison avec la capacité fiscale dont dispose le pays. Sur la période 2013-2017, la capacité fiscale du Maroc est évaluée en moyenne à 27,2% du PIB, alors que les recettes fiscales représentaient 21,2% du PIB donnant lieu à un manque à gagner de l’ordre de 6,7 points de PIB. Ainsi, le Royaume n’exploite environ que 76% de sa capacité fiscale. Dans les pays en développement, le manque à gagner moyen est de 6,1 points du PIB.

Durant la dernière phase de l’étude qui s’étale jusqu’en 2019, les recettes fiscales au Maroc ont connu un recul très marqué d’environ 5,2 points du PIB, pour atteindre 20,7% du PIB.

Cette régression est principalement due à trois facteurs :  le ralentissement de l’activité économique au niveau national et international suite à la crise des subprimes en 2008. Un phénomène qui a engendré des mouvements de repli pour toutes les catégories d’impôts. Le deuxième facteur est la réduction des taux de l’IS et de l’IR à partir de 2009, qui s’est traduite par un recul des recettes générées par ces deux impôts pour atteindre respectivement 7,6% et 3,7% du PIB en 2019. Le troisième facteur réside dans l’approfondissement de la libéralisation commerciale qui a provoqué une baisse considérable des taxes douanières, à savoir de 1,9% à 0,8% du PIB.

 Durant les cinq dernières années de la période d’estimation 2013-2017, les écarts fiscaux dans les pays à faible revenu se situent entre 3 et 5,8 points du PIB avec une moyenne de 4,1.

Au Maroc, l’écart fiscal est de 6,7 points de PIB en moyenne. Comparativement aux pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure où les écarts fiscaux varient entre 3,6 et 7,8 points du PIB. De ce fait, le manque à gagner fiscal se situe au niveau national légèrement au-dessus de la moyenne de ces pays qui est de 6,1.

Des pays comme le Cambodge, l’Ukraine, le Vietnam et la Tunisie disposent d’un manque à gagner fiscal comparable à celui du Maroc.

Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, les écarts fiscaux sont plus larges, et sont compris entre 6,2 et 10,8 points du PIB avec un écart moyen de 8,3.

Au vu de ces indicateurs, le Maroc dispose bien de larges marges de manœuvre pour collecter des recettes fiscales additionnelles et dépasser le niveau actuel de 20,7% du PIB.

Les résultats de l’analyse confirment bien que la structure de l’économie est bien déterminante pour la capacité fiscale. Il se trouve que la part de l’agriculture dans le PIB est associée à une baisse statistiquement significative de la capacité fiscale, tandis que la valeur ajoutée de l’industrie présente une corrélation significativement positive. Le secteur des services est associé positivement à la capacité fiscale, mais cette relation n’est pas statistiquement significative.

Enfin, l’ouverture commerciale est associée positivement à la capacité fiscale, étant donné que les taxes commerciales sont plus faciles à collecter, en particulier dans les pays en développement.

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