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Assises de la fiscalité: Le gouvernement déterre son plan d’écotaxes

6 mai 2019 L'Economiste

Les écotaxes proposées par le département de l’Environnement seront-elles retenues par le comité d’experts en charge de la réforme de la fiscalité? Difficile à dire, sachant que c’est un dossier explosif. Chaque fois que l’idée d’une «fiscalité écologique» était lancée, la CGEM s’y est toujours radicalement opposée.

Au ministère des Finances, les responsables ne sont pas emballés à l’idée de multiplier les prélèvements spécifiques alors que la ligne politique est de baisser la pression fiscale. Outre le ciment, le sable, le fer à béton ou encore le plastique soumis à diverses taxes et redevances, le Secrétariat d’Etat en charge du Développement durable propose la taxation de cinq produits supplémentaires: les pneus, les huiles usagées, les climatiseurs, les voitures, les batteries et piles.

Ce département rappelle le principe de responsabilité élargie des producteurs, tel que stipulé par la loi-cadre sur l’environnement et le développement durable. Un principe qui étend les obligations du fabricant à l’égard d’un produit jusqu’au stade final de son cycle de vie (en aval de la consommation).

La moitié des déchets produits au Maroc sont industriels (près de 3,5 millions de tonnes dont 300.000 tonnes sont dangereuses). Or, la majorité de ces déchets n'est pas valorisée. De plus, l’augmentation continue du parc automobile contribue de manière forte à la génération de déchets ayant un impact négatif sur la santé et l'environnement en absence de filières de recyclage: batteries usagées, huiles usagées, pneus, filtres…

Ce projet de réforme de la fiscalité écologique vise à encourager la valorisation des déchets industriels et à renforcer les moyens financiers à disposition du Fonds national de l’environnement (FNE).

La taxation des pneus et des huiles est proposée afin d’inciter les producteurs, importateurs et distributeurs à mettre en place des filières de valorisation et d’élimination des produits usagés. En contrepartie, ces opérateurs seront exonérés au cas où ils remplissent cette obligation de reprise.

A défaut, les montants prélevés seront versés au Fonds national de l’environnement afin d’assurer la viabilité financière de la filière recyclage et élimination des déchets. Pour argumenter son projet, le département du Développement durable s’est basé sur une étude qui a analysé en détail 5 propositions. Résumé.

■ Pneus: De 12 et 30 DH/unité
Cette mesure vise uniquement les pneus neufs vendus localement. Les taux varient selon les types de produit. Pour les pneus inférieurs à 15 kg, il est proposé de retenir entre 12 et 20 DH/unité. Pour ceux dont le poids est supérieur à 15 kg, la taxe se situe entre 18 et 30 DH/unité. Le développement de la filière de valorisation permettrait de traiter 25.000 à 35.000 tonnes supplémentaires de pneus par an, Selon les projections de l’étude, les recettes fiscales annuelles sont estimées entre 11,5 et 23,6 millions de DH pour la variante sans rechapage et entre 19,8 et 36,7 millions de DH pour la solution avec recyclage. Les volumes de vente seraient impactés marginalement par la taxe, tempèrent les auteurs de l’étude en pensant sans doute aux résistances que le projet va susciter. L’application de cet impôt favorisera la diminution des ventes de l’ordre de 0,57% et 4,46% du volume, soit entre 5.000 et 45.000 pneus importés en moins par année. La revalorisation permettra également le développement du marché du rechapé grâce à l’accroissement de la durée de vie des matières pneumatiques.

■ Huiles usagées: 150 à 250 DH/tonne
Cette taxation concerne les ventes d’huiles des moteurs, industrielle, des transformateurs, des circuits hydrauliques et des turbines. Les taux proposés varient entre 150 et 250 DH la tonne. Les recettes fiscales sont estimées entre 18,7 et 52 millions de DH par an avec une médiane à 35 millions de DH. Cette mesure permettrait de développer le marché des huiles usagées valorisées avec un traitement supplémentaire de 70.000 à 80.000 tonnes/an. Elle vise également la réduction des ventes d’huile industrielle.

■ Climatiseurs: Des gains d’énergie entre 25 et 70 millions de DH
Le taux d’équipement des ménages en climatiseur reste faible, mais sa croissance est élevée. La taxation de ces produits vise à modifier leurs prix selon leur niveau de performance énergétique et diminuer, par conséquent, la consommation énergétique des ménages. Il s’agit ainsi de rendre plus attractifs les climatiseurs les plus efficients (classes A+++ et A++).
Les taux proposés varient selon la classe énergétique de l’appareil et le type de climatiseur (monobloc, split). Les estimations indiquent des recettes fiscales entre 14 et 47 millions de DH. Il est prévu la baisse de vente probable d’environ 4% pour les climatiseurs splits et 7% pour les climatiseurs monoblocs. Les gains d’électricité représentent potentiellement entre 25 et 70 millions de DH/an.

■ Véhicules automobiles: Le principe bonus/malus
La taxe sur les véhicules automobiles vise à favoriser l’achat de véhicules moins polluants (hybrides ou électriques) en les subventionnant (bonus) et de décourager l’achat de ceux fortement polluants par le biais d’un impôt (malus). L’assiette est composée de véhicules automobiles de moins de 3 tonnes, à l’exception de ceux ayant plus de 25 ans. Sont également exemptés les taxis, les véhicules de transport en commun de personnes, les véhicules spéciaux, militaires, de l'Etat, ceux bénéficiant de privilèges diplomatiques et en admission temporaire. Le modèle retenu table sur des recettes entre 215 et 650 millions de DH par an. Ce scénario prévoit une baisse des ventes entre 1.000 et 24.000 véhicules polluants par an, la hausse de la part des véhicules émettant moins de 120g CO2/km ainsi qu’une économie de carburant. Pas sûr que les concessionnaires automobiles aient la même analyse.

■ Batteries: Une consigne de 150 DH/unité
Le projet gouvernemental veut reprendre le système de consignation des batteries et piles ainsi que les mécanismes prévus dans la convention signée entre les ministères de l’Energie et de l’Industrie avec le GIE batteries (Almabat, Tecna et Afriques Câbles). Cet accord prévoit une éco-contribution des producteurs  et une consigne à appliquer aux importateurs, aux producteurs et aux assembleurs en cas de non restitution des batteries usagées à la filière. Deux mécanismes sont ainsi proposés: une consigne de 150 DH/unité vendue et une taxe sur les batteries usagées collectées par le groupement des producteurs (22 DH/unité). Selon les hypothèses retenues sur les taux de retour des batteries, les recettes sont estimées entre 120 et 149 millions de DH et à environ 127 millions de DH si le taux de retour des batteries usagées est de 50%. Le groupement de la batterie disposeraient ainsi de moyens pour promouvoir le développement de la filière, notamment en matière de recyclage, d’orientation vers la recherche scientifique, d’orientation vers de nouvelles technologies propres.

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